In The Mood For Love, la valse amoureuse de Wong Kar-wai


Posté le 16.10.2020 à 17h23


 

Projeté pour la première fois en 2000 au Festival de Cannes, ce sublime long métrage drapé de poésie mélancolique, devenu culte pour sa fulgurance esthétique et son thème musical entêtant, a permis au cinéaste hongkongais - Prix Lumière en 2017 - d’accéder définitivement à la renommée internationale.

 

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Il y a d’abord cette narration singulière, à la fluidité et à la modernité éblouissantes, qui laisse place à la rêverie et imprègne la rétine par son utilisation magistrale des couleurs et de la lumière. Et il y a cet envoûtant arrangement de cordes, accompagné par la complainte d’un violon lancinant - le désormais célèbre Yumeji's Theme, de Shigeru Umebayashi -, qui vient suspendre le temps et figer les corps des deux personnages principaux dans des séquences de ralenti embrumées, souvent, par les volutes de fumées de cigarette.

Lorsqu’en mai 2000, In The Mood For Love est présenté dans sa version work in progress au 53e Festival de Cannes, rien ne laisse encore présager du succès que va par la suite rencontrer le film, devenu culte avec les années après avoir fait l’effet d’une bombe sur la Croisette, puis, petit-à-petit, foudroyé le reste de la planète cinéphile. « Combien de films comme celui-ci voit-on dans une vie ? », soulignera à son propos le critique de cinéma Pascal Mérieau (Prix Raymond Chirat au Festival Lumière en 2010).

Wong Kar-wai vient de boucler six longs métrages acclamés et de s’installer, aux yeux de la critique, aux avant-postes de la nouvelle génération de cinéastes asiatiques, lorsqu’il réalise In The Mood For Love. En dépit d’un Prix de la mise en scène décroché au Festival de Cannes en 1997 pour Happy Together, le réalisateur aux lunettes noires et à l’allure de dandy n’est toutefois pas encore parvenu à convaincre dans son propre pays.

Au travers de ce drame amoureux romanesque, conté comme une valse renversante entre ses deux magnifiques acteurs, Maggie Cheun et Tony Leung - qui décrochera le Prix d’interprétation masculine à Cannes -, le réalisateur hongkongais réaffirme son goût un cinéma toujours en mouvement, foisonnant de couleurs, de mélancolie et surtout, d’amours impossibles.

Cinéaste minutieux et souvent indécis - un trait de caractère qui l’a toujours empêché de collaborer avec un scénariste -, Wong Kar-wai mettra deux ans à achever In The Mood For Love, travaillant comme à son habitude sans script et s’inspirant des rushes déjà tournés pour bâtir la structure du film. « J’ai horreur de l’écriture car c’est la phase la plus solitaire du processus créatif. J’ai tendance à la repousser le plus possible », a expliqué le réalisateur lors d’une conversation donnée au Festival Lumière en octobre 2017.

Au travers d’In The Mood For Love, Wong Kar-wai évoque l’adultère en plaçant sa caméra - idée lumineuse ! - du côté des deux époux trompés, reléguant ainsi les amants hors champ. « Je savais que le film devait être comme une valse entre deux personnes qui dansent, ensemble, lentement... », expliquera-t-il en novembre 2000 dans un entretien accordé à la revue Positif. Wong Kar-wai se fera ensuite plus rare, signant trois films seulement en dix ans : 2046 (2003), My Blueberry Nights (2007) et The Grandmaster (2013).

 

Benoit Pavan

Catégories : Lecture Zen