On prend toute la place !

 


Posté le 9.10.2020 à 15h05


 

Les grandes projections à Lumière nous invite à entrer dans les univers amples de cinéastes de sensibilités différentes qui ont un point commun : ils savent occuper les grands espaces. Cette année le festival vous emmène en Russie, en Sicile, au pays des vikings et celui des singes, sans oublier les immenses plaines des Etats-Unis en faisant un détour par le Vietnam.

 

VIKINGS-visuel

 

On commence par faire la fête. On mesure les espaces de jeux grâce à des grandes séquences de bals. Tout est bon pour célébrer la vie : le retour d’expéditions où l’on joue à couper les nattes des filles à coups de hache virile dans Les Vikings (Richard Fleischer, The Vikings, 1958), la fin des études universitaires qui pousse à la valse excitée de La Porte du paradis (Michael Cimino, Heaven’s Gate, 1980), la fin des moissons la nuit autour d’un feu dans Les Moissons du ciel (Terrence Malick, Days of Heaven, 1978), la fin de l’année de collège dans Né un 4 juillet (Oliver Stone, Born on the Fourth of July, 1989) avec ses slows americana, et la célébration qui ne s’est plus trop pour quelles raisons elle a lieu, le bal absolu qui scelle la mort d’une caste de Le Guépard (Luchino Visconti, Il Guattopardo, 1963). Ce sont tous des grands moments où l’homme s’oublie, habité seulement par la seconde présente.

 

GUEPARD-visuel

Quand la fête se dilue, les enjeux de ces films d’aventures émergent avec une question : où suis-je ? Exploitant l’horizontalité magnifique ô combien cinématographique, les réalisateurs répondent à cette question en précipitant leurs héros face à la nature, dans le seul but de savoir lequel, entre l’Homme et le paysage, aura le plus de charisme. Les moissonneurs de Les Moissons du ciel tentent de tenir debout sous un ciel écrasant et tragique, ils luttent aussi contre des grandes catastrophes comme le feu qui embrasent la prairie. Le chasseur Derzou Ouzala (Akira Kurosawa, Dersu Uzala, 1975) et son ami résistent à la tempête de blizzard mordant de la toundra immense et plate. Les vikings jouent avec la brume des mers pour parvenir à bon port… La nature révèle l’esprit bigger than life de chaque personnage poussé par un esprit de conquête, même pour le héros de La Planète des singes (Franklin J. Schaffer, Planet of Apes, 1968), qui veut comprendre, donner un sens à chaque chose.

 

PLANETE-DES-SINGES-visuel

Les grandes projections posent en divertissant des grandes questions mine de rien, comme celle de l’homme dans la foule. Les êtres humains, entre eux. Cette question est politique avec Tom Cruise en Ron Kovic, vétéran de la guerre du Vietnam devenu antimilitariste, dans Né un 4 juillet. Oliver Stone utilise très bien le charisme de l’acteur et du personnage finalement, alors qu’en fauteuil roulant il traverse une foule parfois hostile avec une énergie communicative. Kris Kristofferson en shérif de La Porte du paradis fait face aux tirs d’une horde de tueurs pour des enjeux uniquement mercantiles. Le héros de La Planète des singes fait reculer tous les singes quand il se met à parler alors qu’il est prisonnier et cerné. Kirk Douglas, borgne, étincelant de présence, entraîne avec lui tous ses hommes vers le combat dans Les Vikings. Ce sont tous des héros qui semblent avoir tué la peur.

 

NE-UN-4-JUILLET-visuel

Aux grandes projections, grands sentiments, car la foule est aussi sentimentale. Les plans de l’ami russe de Derzou Ouzala se souvenant de leurs expéditions, les images du profil de Sam Shepard, en jeune propriétaire timide face aux moissonneurs avec lesquels il aimerait communiquer dans Les Moissons du ciel, rejoignent les yeux mélancoliques de Burt Lancaster en prince Salina dans Le Guépard. Paradoxalement les grands espaces visuels des grandes projections sont propices aux choses secrètes, aux confessions solitaires. Des confessions muettes comme celle de Tom Cruise qui se remémore la vie « avant », quand il n’avait pas connu la guerre, au monologue genou à terre du prince Salina disant adieu à son époque, à sa caste sociale, à ses idéaux, le rendant inoubliable dans Le Guépard.

Les grandes projections 2020 c’est tout cela et beaucoup plus encore.

 

Virginie Apiou

 

 

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