Accattone

Accattone est le premier film de Pier Paolo Pasolini. Écrivain, poète, journaliste et scénariste, Pasolini découvre ici la réalisation. « J'ai voulu […] trouver d'autres formes d'expression pour m'attaquer aux problèmes d'ordre politique et social, pour restituer la réalité des faits qu'ils impliquent. C'est pourquoi j'ai essayé de faire d'Accattone un film à la fois tragique, lyrique et documentaire pour décrire ce monde du sous-prolétariat comme un univers entier, se suffisant à lui-même, en marge et abandonné. J'ai voulu faire un film comme on lance un boulet à la face de la bourgeoisie italienne. » (Pier Paolo Pasolini, L'Humanité, 1^er avril 1962)

Inspiré de son roman Une vie violente (1959), ce film, dont le titre signifie "mendiant", livre un regard presque documentaire sur les faubourgs romains déshérités et leurs habitants. Ceux-ci tentent de subsister en se livrant à la prostitution, au vol et à toutes sortes de magouilles. Cette chronique amère et cruelle est accompagnée par La Passion selon Saint Matthieu, de Jean Sébastien Bach. Le film divisera profondément la critique : on le qualifiera de narcissique, vulgaire, répugnant, tandis que certains y verront une œuvre pure et authentique.

« Le "cinéma de poésie" cher à Pasolini, est déjà là, dans ces plans presque abstraits de corps qui se découpent sur le ciel, dans ces panoramiques qui balaient l'espace sans s’arrêter, dans ces zooms qui foncent vers les visages, dans ces très gros plans de regards qui annoncent Sergio Leone […]. Plus encore, c'est l'érotique du regard qui frappe, comme si la mise en scène naissait du désir de photographier, d'attraper, de toucher avant la caméra. Filmer Franco Citti (le saisissant Accattone) marchant, riant, souffrant ou un groupe d'hommes déambulant dans la rue est, pour Pasolini, un acte de sensualité pure. Accattone, c'est la grâce et l'innocence qui naissent de la fange, quelque chose comme la rencontre lumineuse d'Eros et de Jésus-Christ. » (Thierry Jousse, Cahiers du cinéma n°418, avril 1989).