Dersou Ouzala

Après l’échec de son précédent film, Dodeskaden, et une tentative de suicide, Akira Kurosawa (Rashomon, Vivre, Les Sept Samouraïs, Le Château de l'araignée, Les Bas-Fonds…) est en pleine crise personnelle et créative. En 1972, de passage à Moscou, il rencontre le réalisateur russe Sergueï Guerassimov, qui l’invite à venir travailler en URSS. Fasciné par les écrits de Vladimir Arseniev, Kurosawa souhaite adapter l’histoire vraie de l’explorateur et de son guide Dersou Ouzala. « C’est un personnage très important. Il a été comme une étoile dans un ciel noir. Je voulais exprimer la grandeur de ce personnage, qui rappelle que l’humanité fait partie de la nature. » (Akira Kurosawa, cité dans Le Monde, 2-3 janvier 2000).

L’unique film soviétique de Kurosawa est un hymne à la vie sauvage, une fable écologique et philosophique. La Nature, qui peut certes être féroce, n’est pas l’adversaire de l’Homme. Le cinéaste livre un grand film humaniste empreint de sérénité, dans lequel il s’attarde à contempler de superbes paysages. Un film mature, sage, méditatif et silencieux, qui recevra le Grand Prix au Festival de Moscou en 1975 et l’Oscar du meilleur film étranger en 1976.

« Kurosawa trouve dans la rencontre de ce géographe du début du siècle et d’un chasseur mongol, homme des bois capable de lire la nature, un sujet qui correspond à ses préoccupations. À la principale surtout, comment l’humanité peut-elle sauver sa peau ? Dans les longs voyages d’Arseniev et de Dersou, on voit une double alliance se dessiner : d’abord celle des plus sages des "modernes" (Arseniev), rationnels mais ouverts à leur environnement, avec des hommes de tradition (Dersou Ouzala), satisfaits de partager leur expérience. Ces derniers nouent une seconde alliance, celle de tous les hommes avec la nature. » (Édouard Waintrop, Libération, 26 octobre 1992).