Mythique Melina Mercouri !

 


Posté le 14.10.2020 à 14h04


 

La muse de Jules Dassin, qu'il filma en héroïne survoltée dans Jamais le dimanche, et qui devint ministre de la Culture en Grèce, méritait bien un hommage l'année de ses cent ans.

 

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Les Grecs ont le respect de leurs monuments. Melina Mercouri (1920-1994) en était un. Pour le centenaire de sa naissance (le 18 octobre prochain) le gouvernement a déclaré 2020 Année Melina Mercouri. Lyon, en lui rendant également hommage, a voulu être au diapason d’une femme qui chérissait les arts, devenue ministre de la Culture dans les années 80 après une carrière qui vaudrait bien un biopic. 

Trois films, parmi les dix-neuf qu’elle a tournés durant sa carrière sont présentés durant cette édition. Stella, femme libre (1955) de Michael Cacoyannis où explosait son talent, en faisant taire ceux qui à ses débuts sur scène la jugeaient « trop grande, trop blonde». Dans Les Pianos mécaniques (1965), un film d’atmosphère signé Juan Antonio Bardem on (re)découvre une Melina en femme solaire mais désenchantée. Une curiosité. Enfin, le public aura le plaisir de voir ou de revoir Jamais le dimanche (1960) comédie réalisée par l'homme de sa vie, le réalisateur américain Jules Dassin avec qui elle avait tourné à huit reprises. Un rôle en or, celui d'Ilya, la plus célèbre des prostituées du Pirée qui rend fou un intello new-yorkais, interprété par Dassin himself.

Raconter Melina Mercouri, c'est évoquer aussi une partie de l'histoire de la Grèce. Lorsqu’elle naît à Athènes, Stamatis Merkuris, son père n'a que 22 ans et il est le plus jeune député de Grèce. Son grand-père, Spyridon, est le maire d’Athènes. « Un homme d'une séduction inouïe. Les gouvernements tombaient, les rois se succédaient, mais le règne de mon grand-père se poursuivait » écrit-elle dans Je suis née grecque, son autobiographie. « Il était invulnérable parce qu'il était aimé. Et il était aimé parce qu'il aimait. »Dans cette ambiance et ce milieu aisé qui l’autorise à grandir dans l'insouciance, Melina Mercouri comprend dès dix ans qu'elle souhaite vivre dans le regard des gens. Elle vole une robe à sa mère et file danser dans un café. Mais la mère avertie la fait ramener. « J’ai reçu une gifle monumentale, magistrale. Mais ça n'avait aucune importance. Une seule chose comptait pour moi : les gens m'avaient applaudie. »

 

Adolescente, elle prend vite la tangente. Son père et son grand-père ayant chacun quitté son épouse pour une actrice - ça ne s'invente pas - plus rien ne la retient. Elle veut faire du théâtre à Athènes, mais sans grand succès. Un peu plus tard elle épouse un fils de bonne  famille. Il a fait Cambridge, il l'emmène  à Paris. C'est la découverte de Marcel Achard et de la scène parisienne. Pierre Fresnay et un tout jeune Yves Robert la mettent en scène. Et puis elle fréquente les têtes bien faites. Sartre, Colette, Dali, Cocteau. Le cinéma l'appelle. Stella lui vaut d'aller en compétition à Cannes. Le film plaît, sorte de Carmen en mode tragédie grecque. La rumeur la donne gagnante pour le prix d’interprétation, mais Melina pleure à l'écoute du palmarès. Un homme vient la consoler, un cinéaste américain venu présenter un fameux polar, Du Rififi chez les hommes, prix de la mise en scène : Jules Dassin. « Il m'a dit “ne pleurez pas, vous valez mieux que ça. Et puis vous avez une belle démarche. Et une jolie voix" ». Ils ne vont plus se quitter. À partir de là, raconter Melina, c’est aussi raconter son Jules. Il a été un temps l'assistant d’Alfred Hitchcock avant de diriger des films de commande de la MGM pour des stars comme John Wayne et Joan Crawford (Quelque  part  en  France) ou Burt Lancaster (Les Démons de la liberté). Mais le MacCarthysme a stoppé net sa carrière. Il est sur la liste noire et doit quitter son pays.

 

Jamais-le-dimanche-visuel

 

 En France, Dassin va rebondir, galvanisé par le « mojo » de sa compagne. Il écrit et réalise pour elle Jamais le dimanche qui les expédie à Cannes, où le film fait un carton par sa bonne humeur communicative. Le couple met le feu dans les fêtes de la Croisette et le bouzouki à la mode. Personne cette fois ne peut enlever à Melina le Prix d’interprétation. Elle est même nommée pour l'Oscar. La vie est désordonnée et belle. Et pleine de surprises encore : en 1967, les colonels prennent le pouvoir en Grèce, elle est déchue de sa nationalité et doit fuir à son tour.  Elle y reviendra, dix  ans  plus  tard,  comme  députée,  puis  comme ministre. Elle pouvait bien devenir un monument. Elle ne l'a pas volé.

 

Carlos Gomez

 

LES SÉANCES

Stella, femme libre de Michael Cacoyannis (Stella, 1955, 1h33)
Lumière Bellecour
di 11 17h | Pathé Bellecour ve 16 15h | Comœdia sa 17 10h45

Jamais le dimanche de Jules Dassin (Pote tin Kyriaki, 1960, 1h32)
Institut Lumière
je 15 17h15 | Villa Lumière di 18 14h30

Les Pianos mécaniques de Juan Antonio Bardem (Los pianos mecánicos, 1965, 1h34)
Lumière Terreaux
ma 13 14h45 | Pathé Bellecour ve 16 15h15

 

Catégories : Lecture Zen