Posté le 14.10.2020 à 14h32
Dans Charlie Chaplin, le génie de la liberté, Yves Jeuland et François Aymé, se penchent sur la vie du créateur de Charlot. Yves Jeuland raconte ce projet.
Comment aborde-t-on une personne aussi célèbre que Charlie Chaplin ?
Timidement. Ça donne le trac. Avec François Aymé, nous avions fait un film sur Jean Gabin en 2016. Il fut l’acteur français le plus populaire de France et là, on a choisi de s’attaquer à l’homme le plus populaire au monde. Plus de 4000 livres ont été écrits sur Chaplin, plus que sur Napoléon, et c’est intimidant. Mais nous avions la modeste ambition de ne pas faire un film de plus. Les premières pages du projet datent de septembre 2016, or nous avons terminé en septembre 2020, après 11 mois de montage. Il devait durer cent minutes et il fait plus de deux heures. C’est un personnage hors du commun et le film se devait d’être complet, mêlant fils biographique, cinématographique et historique. Je réalise des documentaires depuis 23 ans et c’est certainement l’une des plus grandes aventures qu’il m’ait été donné de mener. C’est le syndrome de l’Himalaya : plus vous cherchez, plus vous en apprenez, et plus la montagne vous semble élevée. Il est plus connu que Mickey, car il est à la fois Charlie et Charlot, il était tout, compositeur, chorégraphe, acteur, producteur... : il a tout mené de front et on se demande ce qu’il n’a pas fait.
Comment gérer toutes ces images d’archives ?
Il a été mondialement célèbre dès 1915 donc vous imaginez le nombre d’images qui existent. Mais on en a trouvé des inédites. Au tout dernier moment, parfois. Tout à coup arrivent des bobines avec des images qu’on n’a jamais vues, comme celles où il fait le pitre devant la caméra. Ou le making-of des Lumières de la ville. On s’est rendus compte que Le Génie de la liberté était le premier film sur Chaplin constitué exclusivement d’archives. C’était notre volonté, et nous avons inséré de multiples extraits de ses films, de courts et longs métrages. Il n’y a pas d’interviews. Il s’exprimait avec son sourire, sa canne, ses sourcils, tout. Ce n’était pas un parleur donc on n’a pas essayé de le faire parler.
Qu’avait-il que les autres n’avaient pas ?
« Plus que de l’inspiration, c’est de la transpiration » disait-il, même si l’on peut douter que Chaplin n’ait pas été inspiré ! C’est un mélange de facteurs : le génie, le travail, le bon moment. Il avait un don exceptionnel d’observation et il n’aurait pas été Charlot s’il n’avait pas eu cette enfance démunie, ce côté très solitaire. Et peut-être qu’on avait besoin de lui. Billie Ritchie disait qu’il avait trouvé le personnage de Charlot avant lui, mais ça ne suffit pas de trouver un costume, des grandes chaussures..., il manque l’étincelle. Vous me demandez d’expliquer une étincelle et c’est compliqué. On s’y essaie dans ce documentaire.
Propos recueillis par Charlotte Pavard