Posté le 11.10.2020 à 10h15
Chaque jour, les cinéastes de la Sélection officielle Cannes 2020 nous racontent leur passion du cinéma. Parce que les films d’aujourd’hui naissent de ceux d’hier.
Le film classique qui vous a le plus marqué ?
Fanny : Nous nous sommes tant aimés, d'Ettore Scola. Le titre est déjà magnifique. J'ai découvert ce film il y a quelques années. Il mêle des réflexions politiques, sur l'engagement et la différence de classes, à de très beaux questionnements sur l'amitié, l'amour, l'avenir et le temps qui passe. Un doux voyage en Italie, où l'on rit, mais où l'en sent aussi la mélancolie des vies qui filent à toute vitesse. C'est un film qui m'a touchée par le subtil équilibre entre la mélancolie et la légèreté qui s'en dégagent.
Jérémy : Jeux interdits, de René Clément. C'est un film que j'ai vu enfant, qui m'a beaucoup marqué, puis que j'ai oublié. J'en avais gardé en mémoire une image, celle de ce pont sous les bombardements, et cette petite fille qui s'enfuit dans la campagne avec son chien mort dans les bras. Il y a quelques années, j'ai retrouvé ce film, et le souvenir très fort de tristesse, de résilience et de poésie qu'il m'avait laissé est revenu tout entier. Ce cimetière que les deux enfants construisent pour guérir leurs peines, la force de leur relation, sont des images qui résonnent encore plus fortement en moi aujourd'hui.
Le cinéaste dont vous avez le plus appris en voyant ses films ?
Jérémy : Bong Joon-Ho. Parce que chacun de ses films est une leçon magnifique, par l'ambiance qu'il parvient à créer, l'humour de ses personnages, les prouesses de sa mise en scène, la justesse de son ton, le fond politique toujours très présent. Il a l'art de nous emporter, de nous exalter, de nous faire peur, de nous émouvoir, de nous faire vibrer, et cela fait de lui l'un de nos cinéastes contemporains préférés. Des scènes telles que la mère qui sort du placard d'où elle s'est cachée dans Mother, les enfants qui tentent de s'échapper des égouts avec des vêtements pris aux morts dans The Host ou la nounou qui vient rechercher son mari dans les caves de Parasite restent profondément ancrées en nous.
Fanny : Dans le processus de fabrication de nos films, Leos Carax a toujours été une référence et une inspiration. Pour la manière dont il filme la ville, Paris, avec un pas de côté et un regard nouveau, si original. Pour la sensibilité et la fragilité des personnages qu'il met en scène. Comment leur corps est un outil d'expression, comme quand Denis Lavant court sur David Bowie dans Mauvais Sang, ou qu'il danse recouvert de leds lumineuses dans Holy Motors. Nous admirons ces films aussi pour la structure de leur récit, souvent surprenante. Et bien sûr pour l'impact visuel et la poésie de nombreuses scènes.
Une scène particulière de l’histoire du cinéma qui vous a inspirés ?
Jérémy : Le feu d'artifice final dans Les Amants du Pont Neuf de Leos Carax. Ce couple de cinéma qu'ont formé Juliette Binoche et Denis Lavant est l’un des plus beaux duos qui existent selon moi, pour leur liberté, leurs blessures et leur folie. Leos Carax est un cinéaste si inventif, si délicat, il parvient à créer des climax d'émotion uniques. A l'instar de cette scène merveilleuse qui se déploie en musique, en lumières, en danse, en transe.
Fanny : La scène culte de Paris, Texas de Wim Wenders, où Travis retrouve sa femme Jane (Nastassia Kinski) dans un peep show après plusieurs années de séparation, et lui parle au téléphone de l'autre côté d'une vitre sans tain. L'apothéose d'un film magnifique, où le jeu des couleurs accompagne la narration. Paris, Texas et Les Ailes du désir ont été pour moi des vrais chocs visuels, des élans de douceur et de liberté. Ces films, comme ceux d'Agnès Varda, donnent envie d'aimer les gens.
Un acteur ou une actrice du passé que vous auriez aimé filmer ?
Fanny & Jérémy : Patrick Dewaere ou Jeanne Moreau. Deux icones, deux valseurs magnifiques. Et Delphine Seyrig, pour son intelligence et la beauté de sa voix.
Le film classique que vous n’avez pas vu et que vous rêvez de voir ?
Jérémy : Docteur Folamour de Stanley Kubrick, que je n'ai pas vu.
Quelle chance, m'a-t-on dit, quel plaisir à venir ! J'ai hâte.
Fanny : J'ai vu que le festival Lumière programmait La Strada pour le centenaire de Fellini... Je suis curieuse de découvrir ce film. Et c'est toujours un bonheur de faire un tour en Italie !
Gagarine
de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh (2020, 1h37, VFSTA)
Quand il apprend que sa cité, Gagarine, est menacée de démolition, Youri décide de rentrer en résistance... L’histoire d’un ado au prénom prédestiné, premier film coréalisé par Fanny Liatard et Jérémy Trouilh dont les courts métrages ont été remarqués à Clermont-Ferrand.
Sortie en salles : 18 novembre 2020
Comœdia di 11 18h
En présence de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh, Lyna Khoudri, Alséni Bathily, Farida Rahouadj et Jamil McCraven