Gilles Grangier et Michel Audiard, une certaine idée du polar

 


Posté le 7.10.2020 à 18h15


 

Dans 125 rue Montmartre (1959), Gilles Grangier et Michel Audiard - auteur des étincelants dialogues du film - embarquent Lino Ventura dans un polar social extrêmement maîtrisé, qui décrit avec finesse le Paris populaire de la fin des années 1950.

 

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Pascal (Lino Ventura) est un crieur de journaux solitaire et taciturne qui mène une existence tranquille à Paris entre son travail, ses rendez-vous au bistrot du coin et ses nuits dans les bras de sa maîtresse, la tendre et sensuelle « Mémène » (Dora Doll). Un jour, il sauve de la noyade Didier (Robert Hirsch), un inconnu aux penchants suicidaires qui va se jouer de sa naïveté pour l’entraîner dans une sombre affaire de crime.
 
Gilles Grangier a déjà réalisé trente-quatre films - en seize ans de carrière - lorsqu’en 1959, il s’attelle à l’adaptation de 125 rue Montmartre, un roman d’André Gillois paru la même année et auréolé d’un large succès critique - l’ouvrage reçut notamment le Prix du Quai des Orfèvres. Alors que s’annonce la Nouvelle Vague, le prolifique cinéaste au soixante-six longs métrages est au cœur de l’une des périodes phares de sa filmographie, dédiée au film noir. Cinq mois plus tôt, Archimède, le clochard, son précédent film, a valu à Jean Gabin l’Ours d’argent de la meilleure interprétation au festival de Berlin.
 
Au-delà de retranscrire fidèlement l’intrigue policière du livre, l’ambition de Gilles Grangier est de rendre compte sans misérabilisme, en filmant à hauteur d’homme, de l’atmosphère populaire des vendeurs de journaux. À cet effet, les décors du long métrage et sa galerie de personnages secondaires - tout comme ses figurants, qui contribuent à le plonger avec réalisme dans l’ambiance du Paris des « petites gens » - sont fouillés dans les moindres détails. « J’ai toujours été attaché à ça. Il faut qu’on comprenne comment les gars vivent, comment ils bouffent, comment ils baisent », expliquera le réalisateur, dont le titre du long métrage fait référence à l'adresse historique des Nouvelles messageries de la presse parisienne, le grand centre de distribution où les crieurs venaient s’approvisionner en quotidiens.
 
Ciselés de main de maître par Michel Audiard, les dialogues - parfois savoureux - de 125 rue Montmartre viennent appuyer l’adaptation vivante et rythmée imaginée par le cinéaste, qui a alors déjà collaboré - depuis Poisson d’avril (1954) - à sept reprises avec le célèbre scénariste et dialoguiste. « Pour moi, il y a qu’une chose de sérieux dans la vie : c’est l’heure des repas, et puis de temps en temps la bagatelle, mais à condition de pas se foutre à la flotte pour ça ! », grommelle Pascal dans l’une des répliques célèbres du film.
 
Pour 125 rue Montmartre, le duo s’écarte de l’influence américaine sur le genre et vient épouser les préceptes du polar à la française, où chacune des étapes de la réalisation, de la mise en scène au montage, est travaillée avec la même minutie. Ce film noir mais humaniste, malheureusement éclipsé à sa sortie par l’éclosion de la Nouvelle Vague - Les 400 coups, de François Truffaut, sort la même année… -, est magistralement porté par le duo attachant formé par Robert Hirsch et Lino Ventura, qui profite de ce rôle de bourru naïf au cœur tendre pour casser son image d’éternel bagarreur. Au casting, on retrouve également Andréa Parisy, qui incarne parfaitement à l’écran Catherine, une grande bourgeoise froide et calculatrice.

 

Benoit Pavan

 

 

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