Posté le 9.10.2020 à 14h30
Le cycle du festival Lumière intitulé Histoire permanente des réalisatrices montre l'audace de ces cinéastes qui ont des idées déroutantes, pour réaliser des films qu'on n'attendait pas. En 1975 sort un film d'époque, en noir et blanc, se déroulant dans une petite communauté d'émigrés juifs parlant yiddish : Hester Street.
Ce qui aurait pu être une oeuvre étonnament descriptive d'un milieu pittoresque, est en réalité la vision romanesque tout à fait personnelle d'une histoire d'amour. Un père de famille, émigré d'une trentaine d'années, est rejoint par sa jeune femme et son fils en Amérique, où il travaille depuis quelques temps. Problème : l'homme est amoureux d'une autre femme rencontrée dans sa nouvelle patrie. Dans ce trio amoureux, c'est la tendre épouse légitime qui intéresse Joan Micklin Silver, un personnage rejetée à peine débarquée. Dans ce rôle qui pourrait sembler timoré, ou falot, l'actrice élégiaque Carole Kane (nommée à l'Oscar de la meilleure actrice pour sa performance) rafle toute l'attention. Elle impose sa pâleur et des yeux navrés avec une intensité qui la rend indispensable à chaque scène. Ses déplacements de petite souris qui respecte les lois de sa communauté tout en assimilant très rapidement qu'elle vit désormais sur un autre territoire avec d'autres codes, font d'elle la grande gagnante de toute cette histoire. Micklin Silver la filme respectueuse des traditions, obligée de porter une perruque affligeante en public avant de sans bruit s'en affranchir.
Virginie Apiou