Posté le 8.10.2020 à 17h25
La séduction sans passer par des mots, c'était un défi du cinéma muet. C'est celui du cinéaste Jacques de Baroncelli avec La Femme et le pantin (1928). En Espagne, Don Mateo se retrouve ensorcelé par Conchita Perez, la femme "qui n'a peur de personne".
Conchita est danseuse, donc ennivrante, pourtant ce n'est pas avec son corps, mais par le biais d'un gros plan magnifique de son profil, que de Baroncelli choisit de la montrer la première fois à l'écran et de faire chavirer le coeur du héros. Un gros plan aux codes brouillés puisque ce personnage de séductrice porte un chaste fichu blanc sur les cheveux, mais arbore une bouche marquée d'un maquillage irrésistible. Par ces détails simples, le réalisateur pose l'enjeu : avec cette femme-là rien ne sera facile, ni décriptable. Commence alors une oeuvre rythmée, et le portrait moderne d'une héroïne vivante et assurée, qui s'allonge par terre pour converser avec l'homme qui la désire comme un fou. Conchita Montenegro dans ce rôle tout en sourire féroce, rehaussé par un regard dont on ne s'échappe pas, porte cette catastrophe des sentiments à venir avec une grâce et vitalité splendides. Très inspiré, de Baroncelli se permet tout, y compris de filmer une longue scène de danse nue brisée par des zébrures d'ombres, ou les brillances d'un rideau de scène ajouré, pour terminer sur le reflet de la danseuse sur le verre d'une bouteille de champagne. Rien que pour cette séquence, La Femme et le pantin est un tourbillon inoubliable.
Virginie Apiou