Bonjour, Monsieur Doisneau ou le photographe arrosé

C’est sur le tournage d’Un dimanche à la campagne de Bertrand Tavernier (1984) que Sabine Azéma rencontre Robert Doisneau, venu immortaliser le travail de l’équipe. Chacun trouve chez l’autre émotion, fantaisie, sens du jeu. Une amitié forte naît alors. Pour la célébrer et fêter les 80 ans d’un des plus grands photographes français de son siècle, auteur, parmi des milliers d’autres œuvres, du légendaire Baiser de l’Hôtel de ville, Sabine Azéma signe son premier film en tant que réalisatrice. Doisneau passe, pour une fois, de l’autre côté de l’objectif pour évoquer son enfance, sa vie, son œuvre, mais également les femmes, la lumière de Paris, la vie populaire… Et il raconte au-delà de ce qui est attendu, revenant sur l’île Seguin et les usines Renault, qui l’avaient embauché comme photographe industriel en 1934.

Film tendre, loin de la biographie historique, Bonjour, Monsieur Doisneau est le portrait d’un artiste par une complice malicieuse, "Madame Sabine". En creux, le portrait vivant de la relation de ces deux amis.

« Pour fêter cet anniversaire et leurs dix ans d'amitié, elle a décidé de le surprendre au matin, en sonnant à sa porte avec une petite équipe de tournage, et de renverser les rôles : lui sera le modèle ; elle fera le portrait. C'est Bonjour, Monsieur Doisneau ou le Photographe arrosé, une vraie gageure, un petit bijou parce que, comme pour Picasso, tous ceux qui approchent Doisneau "sont couverts d'une légère poussière d'or". En bonne admiratrice, bien sûr, Sabine a copié Robert. Regard attendri et espiègle, respectueux et admiratif. De sa voix enfantine, elle dit et redit les textes qui ouvrent chaque "chapitre" du film comme autant de photos successives qui s'ajoutent, s'annulent, et écrivent une vérité complexe.» (Le Monde, 12 avril 1992)