Derborence est tiré d’un des romans les plus célèbres de Charles-Ferdinand Ramuz, publié en 1934, lui-même inspiré par une histoire vraie : la catastrophe des Diablerets, au XVIIIe siècle, un double effondrement de la montagne qui a tué plusieurs paysans et donné naissance au lac de Derborence. À ceux qui s’étonnaient qu’un cinéaste engagé comme lui, enfant enragé de mai 68, s’intéresse à un romancier parfois jugé réactionnaire, Francis Reusser (1942-2020) répondait fermement : « Nous, les enfants du western, trouvons un souffle épique chez Ramuz. Il a été le premier écrivain qui nous permette d’aller dans la nature à l’époque où tout le monde filmait son coin de rue. Dans les années 1970, on ne voulait pas du pessimisme de Ramuz. Qu’est-ce qu’on n’a pas déconné sur l’avenir radieux de la société ! En fait, ce sont ceux qui dépeignaient le cauchemar qui avaient raison.» (cité par Antoine Duplan dans Le Temps, 10 avril 2020). Et dans un entretien accordé à Freddy Buache en février 1985 : « Ramuz est pour moi plus notre Beckett que notre Giono. »
De fait, l’étrange paysage de pierre que l’équipe filme sur les lieux mêmes de l’éboulement, en y accédant par hélicoptère, a des airs de fin du monde. Et Francis Reusser transfigure la fable en un poème opératique et élégiaque : tourné sans son direct, Derborence est entièrement post-synchronisé après le tournage, à Paris, afin de maîtriser au mieux la matière sonore, dont font partie d’audacieux choix musicaux (notamment un Ave Maria sarde chanté par l’Italienne Maria Carta).
Francis Reusser a souvent salué le talent d’Isabel Otero, pour sa première apparition à l’écran, mais il s’est moins bien entendu avec son partenaire, Jacques Penot, finalement doublé par le comédien François Marthouret. Peu satisfait de la fin du film, le cinéaste était aussi venu voir à Paris Alexandre Trauner, qui lui avait proposé un dénouement façon Visiteurs du soir : les deux amoureux transformés en statues de pierre, s’effritant peu à peu, comme la montagne. Pour des raisons financières, ce nouveau tournage n’a pu avoir lieu.
Derborence
Suisse, France, 1985, 1h34, couleurs (Eastmancolor), format 2.35
Réalisation : Francis Reusser
Scénario : Jacques Baynac, Francis Reusser, d’après Charles-Ferdinand Ramuz
Adaptation & dialogues : Christiane Grimm
Photo : Emmanuel Machuel
Musique : Maria Carta
Montage : Francis Reusser
Décors : Jean-Marc Stehlé
Costumes : Genevière Joliat, Lysiane Guerrier, Rose-Marie Melka
Production : Jean-Marc Henchoz, Claude Stadelmann, Sagittaire Productions, Marion’s Films
Interprètes : Isabel Otero (Thérèse), Jacques Penot (Antoine), Bruno Cremer (Séraphin), Maria Machado (Aline), Jean-Marc Bory (Nendaz), Jean-Pierre Sentier (Plan)
Sortie en Suisse : 27 avril 1985
Présentation au Festival de Cannes : 19 mai 1985
Restauration réalisée à partir du négatif image 35mm (scope) et son original. Scan et restauration 4K à la Cinémathèque suisse, étalonnage au studio Colograde à Genève, sous la supervision de Francis Reusser. Son restauré par le Studio Masé à Genève. Financé par la Cinémathèque suisse, avec la participation de la RTS (Télévision suisse).
Ayant-droit : Cinémathèque Suisse
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