Gagarine

En 2014, Fanny Liatard et Jérémy Trouilh sont chargés par des amis architectes, dans le cadre d’une étude sur la future démolition de la cité Gagarine, de réaliser des portraits documentaires des habitants. Happés par le lieu, gigantesque vaisseau de briques rouges, ils décident d'y tourner leur première fiction. Gagarine voit le jour en 2015, un court métrage devenu long cinq ans plus tard, après que le duo a réalisé plusieurs autres courts tels que Chien bleu en 2018, en compétition au Festival de Clermont-Ferrand, et nommé aux César.

Deux personnages se partagent l’histoire : Youri, l’adolescent dont le rêve d’espace est né du nom même de sa cité, et Gagarine, ce grand ensemble, symbole de la modernité la plus sinistre et du besoin de logements collectifs des années 60, stigmatisé depuis. Lorsque Gagarine est menacé de démolition, Youri est frappé au cœur. Développant un imaginaire fort, passionné par le cosmos et les étoiles, il envisage la cité comme son vaisseau spatial particulier. La voir détruire, c’est voir disparaître ses souvenirs, ses rêves d’enfance et sa communauté.

Tout est duel dans Gagarine. Passé et présent, lumière et obscurité, solitude et communauté, apesanteur et effondrement… Et surtout imaginaire et réalité. « La dimension magique nous permet d’aborder le réel et sa violence par un autre biais. Ce que vit Youri est dur. Il est le symbole d’une jeunesse qui a été mise à la marge et qui, parce qu’elle souffre de cet abandon, se replie sur elle-même. Si Youri a du mal à grandir c’est parce que le contexte ne lui donne pas confiance. » (Jérémy Trouilh)

Filmé en 2019 dans cette cité alors abandonnée par les 380 familles qui y vivaient, juste avant que des décennies de souvenirs de vie commune (on voit Youri Gagarine lui-même, premier homme dans l'espace, inaugurer la cité), de mixité réussie, de progrès et d’espoir partent avec les gravats, Gagarine est un drame aux images poétiques et particulièrement envoûtantes.