En réalisant Hester Street, son premier long métrage de fiction, Joan Micklin Silver s’impose aux États-Unis comme réalisatrice indépendante. Fille d’émigrés juifs partis de Russie, elle a été professeur de musique, dramaturge, puis scénariste et réalisatrice de courts métrages à vocation éducative (parmi lesquels The Immigrant Experience : The Long Long Journey en 1972). Quand elle décide de mener à bien Hester Street, les grandes compagnies ne la suivent pas, jugeant que son sujet n’intéresserait qu’un public juif, ne lui offrant ainsi qu’une audience limitée. Joan Micklin Silver et son mari Raphael D. Silver créent alors leur propre société, Midwest Films Productions.
Hester Street bénéficiera d’un excellent accueil de la critique et du public (et d’une nomination aux Oscars pour Carol Kane), bien plus large que celui imaginé par les majors. Car si l’action se déroule dans le New York juif de la fin du XIXe siècle, le sujet en reste universel : le déracinement.
Dans un noir & blanc proche de la mémoire photographique héritée de cette période (évoquant autant les films muets que le néoréalisme), et avec des dialogues en yiddish, Joan Micklin Silver filme une période essentielle dans la construction des États-Unis. À la recherche d’une vie meilleure, les émigrants juifs se découvrent partagés entre deux mondes : l’ancien, celui des ghettos de l’Europe de l’Est et le nouveau, celui de l’American way of life. Et c’est en filmant l’intimité d’un couple, les rapports entre les gens, la vie domestique, sans condescendance ni misérabilisme, que la cinéaste étudie l’évolution des caractères, ceux qui veulent se fondre dans leur nouvel environnement et ceux qui essayent de rester fidèles à leur judéité et à leur culture.
En cela, Gitl gêne Jake (qui a changé de prénom pour mieux se fondre dans sa nouvelle vie) : elle est la femme de l’ancien continent. Comment se transformer sans se renier ? Ce portrait de femme décrit le choix de Gitl : désormais divorcée, elle part aussi, aux côtés de Bernstein, l’ancien talmudiste, à la conquête de l’Amérique, la sienne, celle qu’elle décide d’embrasser sans trahir ce qu’elle est.
« L’écriture simple et directe de Hester Street permet aussi de voir ce film comme un divertissement. Beau, triste, juste. Son noir et blanc nous renvoie à ce qu’il a de plus beau dans le cinéma simplifié. Ce n’est pas toujours la peine de faire la critique sociologique quand on parle d’un film. Aussi puis-je dire également ceci de Hester Street : quand on voit ce film, c’est comme si on mettait à la lumière une plaque de verre sur laquelle dormait un couple, comme si on retrouvait le médaillon d’une femme oubliée. Hester Street c’est — comme dirait Agnès Varda — un daguerréotype. » (Claire Clouzot, Écran 75 n°41, novembre 1975)
Hester Street
États-Unis, 1975, 1h31, noir et blanc, format 1.85
Réalisation & scénario : Joan Micklin Silver, d’après la nouvelle Yekl d’Abraham Cahan
Photo : Kenneth Van Sickle
Musique : William Bolcom
Montage : Katherine Wenning
Décors : Stuart Wurtzel
Costumes : Robert Pusilo
Production : Raphael D. Silver, Midwest Films Productions
Interprètes : Steven Keats (Jake), Carol Kane (Gitl), Mel Howard (Bernstein), Dorrie Kavanaugh (Mamie), Doris Roberts (Mrs. Kavarsky), Stephen Strimpell (Joe Peltner), Lauren Frost (Fanny), Paul Freedman (Joey), Zvee Scooler (le Rabbin), Eda Reiss Merin (la femme du rabbin), Leib Lensky (Peddler), Bob Lesser (l’avocat)
Présentation au Festival de Cannes : 11 mai 1975
Sortie aux États-Unis : 19 octobre 1975
Sortie en France : 15 octobre 1975
Restauration 4K par Cohen Film Collection à partir du négatif 35mm original à Roundabout Entertainment, Inc.
Ayant-droit : Cohen Films
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