Heureux comme Lazzaro

Troisième long métrage d’Alice Rohrwacher, Heureux comme Lazzaro reçoit le prix du meilleur scénario au Festival de Cannes 2018, où il sera accueilli par une pluie d’éloges et dix minutes d’applaudissements.

Lazzaro est un adolescent habité par une bonté et une ingéniosité hors du commun, qui lui donnent des airs de saint. Corvéable à merci, il accepte toutes les tâches que lui confient les habitants de l’Inviolata. Ceux-ci cultivent le tabac pour le compte de la marquise, qui a profité d’une inondation pour isoler le hameau du monde moderne et y instaurer un système de servitude. Une histoire aux allures de conte de fées sans âge, aux personnages et lieux invraisemblables. 

Un jour, Lazzaro est victime d’un terrible accident. Il ne se réveille plusieurs années plus tard. À la recherche de sa famille, il traîne sa grâce céleste et son regard émerveillé par-delà la rivière. Ce saut spatiotemporel marque l’apparition du deuxième volet du diptyque : les paysans ont déserté la campagne et se retrouvent en périphérie d’une zone urbaine, vivant de petites magouilles.

Alice Rohrwacher trace ici une allégorie de l’histoire de l’Italie et de la désillusion de l’exode rural. Une mise en scène, une nouvelle fois délicate et poétique, qui sert une venimeuse fable satirique. La cinéaste relie des époques contradictoires et pourtant similaires, où règne la servilité et où l’innocence n’a guère de place.

« Avec sa forme si particulière et ses images légèrement surannées – le film a été tourné en pellicule et avec une caméra super 16 – la réalisatrice donne à son film un dépouillement et une austérité qui collent aussi bien à son sujet qu’à notre époque. Tout en renouant avec l’âge d’or du cinéma italien auquel elle rend hommage, dans ce diptyque, oscillant entre le néoréalisme d’un Vittorio De Sica et la féerie drolatique d’un Fellini ». (Céline Rouden, La Croix, 15 mai 2018).