Objet hypnotique, In the Mood for Love surgissait en 2000 au Festival de Cannes, dans une version work in progress. Le critique Pascal Mérigeau s’interrogeait alors : « Combien de films comme celui-ci voit-on dans une vie ? ». Peu, assurément.
Wong Kar-wai mettra deux ans à réaliser In the Mood for Love. Lorsqu’il commence le tournage, il n’a pas de script et regarde les rushes pour envisager la suite. Le tournage se prolonge : en tout, seize mois, durée exceptionnelle pour des acteurs stars comme Maggie Cheung et Tony Leung. Le résultat est captivant.
Des époux trahis par des conjoints invisibles se rapprochent pour tenter de comprendre comment tout cela a pu arriver. Ils répètent ensemble ce qu’ils diront à leurs conjoints quand ils oseront leur révéler ce qu’ils savent. Entre croisements, échanges de politesse, frôlements, un sentiment trouble naît. « Nous ne serons jamais comme eux ». Point d’arrêt. Le traitement de cette histoire classique est unique.
Depuis Happy Together, Wong Kar-wai s’est assagi. Ses images sont moins électriques, plus douces, feutrées, teintées d’un rouge sublime. Avec sobriété et élégance, il filme langoureusement un pas de deux incertain. Les volutes de fumée des cigarettes de Tony Leung, les magnifiques robes de Maggie Cheung dans cet environnement modeste, les citations de Leu Yee-chang remplaçant les habituelles voix-off, le saisissant langage corporel, relais du peu de dialogues, tout ici est d’un esthétisme envoûtant.
Wong Kar-wai signe des plans inoubliables : des silhouettes dans les embrasures de portes, des travellings latéraux entre deux appartements, des visages saisis de mélancolie, une ville vide, des escaliers, des personnages photographiés au ralenti, comme pour arrêter le temps qui mène vers une issue forcément malheureuse. Et Tony Leung dans les temples d’Angkor Vat. Prolongeant sa recherche sur l’incommunicabilité des êtres, le passé, le souvenir et la solitude, le cinéaste, filmant deux personnages dans quelques lieux confinés, touche à l’épure.
Et il reste cet entêtant thème musical, signé Shigeru Umebayashi, pour un film japonais qui ne verra pas le jour. « Je savais que le film devait être comme une valse : deux personnes qui dansent ensemble lentement… » (Wong Kar-wai, Positif n°477, novembre 2000)
In the Mood for Love
Hong Kong, 2000, 1h38, couleurs, format 1.66
Réalisation & scénario : Wong Kar-wai
Photo : Christopher Doyle, Mark Li Ping-bing
Musique : Mike Galasso, Shigeru Umebayashi ; Nat 'King' Cole, Xavier Cugat, Bryan Ferry
Montage : William Chang Suk-ping
Conception artistique : William Chang Suk-ping
Direction artistique : Man Lim-chun, Alfred Yau
Production : Wong Kar-wai, Block 2 Pictures, Jet Tone Production, Paradis Films
Interprètes : Maggie Cheung (Su Li-zhen, Mme Chan), Tony Leung Chiu-wai (Chow Mo-Wan), Rebecca Pan (Mme Suen), Chen Lai (M. Ho), Ping-Lam Siu (Ah-Ping)
Présentation au Festival de Cannes : 20 mai 2000
Sortie à Hong Kong : 29 septembre 2000
Sortie en France : 8 novembre 2000
Ressortie le 2 décembre 2020
Restauration 4K réalisée par l’Immagine Ritrovata (Bologne) et supervisée par Wong Kar-wai.
Distribution : Les Bookmakers pour La Rabbia
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