La Belle Noiseuse, Divertimento

Grand Prix du jury à Cannes en 1991, La Belle Noiseuse est un film superbe, pour lequel public et critique se retrouvent dans un éloge unanime. En adaptant très librement, avec ses coscénaristes Pascal Bonitzer et Christine Laurent, une nouvelle de Balzac, Jacques Rivette s’attache aux rapports entre le peintre, le modèle et l’œuvre, et pose aussi les questions du Pygmalion et de la représentation du corps, parfois, comme seul objet du désir. L’acte de création fascine : qu’est-ce qui pousse un artiste à se donner entièrement, jusqu’à la souffrance la plus profonde, pour triompher de la matière ?

Dans sa première version – d’une durée de quatre heures –, La Belle Noiseuse était un jeu de pistes. Le secret, les non-dits irriguaient le film dont l’épaisseur romanesque et mystérieuse naissait de la durée. Les longues scènes de création instauraient une ambiance toute particulière.

Née d’une contrainte (le contrat de coproduction de FR3 mentionnait le financement d’un film de moins de deux heures), La Belle Noiseuse, Divertimento est donc une variation sur le même thème. Entre obligation et curiosité, Rivette utilise des prises différentes pour les mêmes scènes. Le rythme est plus rapide, le style épuré, les comédiens toujours aussi magnifiques. « Changeant de durée, le film a changé d'angle. […] Dans Divertimento, l'essentiel du face-à-face dans l'atelier a disparu. Supprimé ce foyer ardent, le château devient le lieu d'une circulation, badine ou inquiétante. Et la dame du château, Liz-Jane Birkin, devient le maître de ballet d'un marivaudage sophistiqué, cruel et tendre. […] Divertimento […] –  Rivette affirme faire référence à la réduction par Stravinsky de son ballet Le Baiser de la fée –  est ainsi un beau film, subtil, solaire et zébré de noirceurs. » (Jean-Michel Frodon, Le Monde, 23 novembre 1991)