La Chasse

Quatorze ans après Festen, labellisé Dogma 95, Thomas Vinterberg prend avec La Chasse un contrepied total. Si le premier décrivait, caméra à l’épaule, les ravages de l’inceste sur ses victimes, La Chasse fait le portrait en creux d’un homme accusé à tort. Le personnage de faux coupable est récurrent dans des films célèbres, chez Hitchcock ou chez Lang, mais Vinterberg le traite différemment, montrant un homme à la défense discrète (forcément louche aux yeux de sa communauté), persuadé que la vérité éclatera obligatoirement, tant le mensonge est absurde. Le postulat d’innocence sera parfois reproché à Vinterberg, le spectateur ayant le sentiment de se voir imposer ce qu’il doit penser. Mais n’est-ce pas le propre du film à thèse ?

La Chasse traite alors davantage de la logique implacable de la rumeur et de son instinct destructeur, de la désintégration du vernis de la civilisation lorsque la parole sacrée de l’enfant n’est pas analysée. Une seule étincelle et toute la bestialité de l’homme réapparaît, le chasseur devient la bête traquée. Avec une rigueur clinique, une mise en scène sobre et acérée, et une photographie splendide, Vinterberg dissèque le poids du soupçon et la quête de Lucas pour conserver sa dignité. Dans ce rôle, Mads Mikkelsen développe un jeu impressionnant « dans la manière dont l’acteur signifie la douleur interne éprouvée par son personnage comme dans son recours à la violence verbale. » (Michel Cieutat, Positif, n°617-618, juillet-août 2012)