Copyright Christine Plenus
La Fille inconnue est un projet au long cours. Jean-Pierre et Luc Dardenne y travaillent plusieurs années, mûrissant leur histoire, leurs personnages, remaniant le scénario entre deux tournages – Le Gamin au vélo et Deux jours, une nuit verront le jour entre temps. « Pour viatique de notre écriture, cette phrase d’Emmanuel Levinas déjà évoquée dans nos conversations : "L’âme est l’autre en moi. Le psychisme, l’un-pour-l’autre, peut être possession et psychose ; l’âme est déjà grain de folie." » (Luc Dardenne, Au dos de nos images II, 2005-2014, Seuil). Car comme l’évoquera Luc Dardenne, « Jenny est possédée par la fille inconnue, c’est cette possession qui la rendra si déterminée et si patiente pour trouver son nom. Ce n’est pas une possession surnaturelle mais une possession morale. »
Dans cette histoire profonde, teintée de polar, Adèle Haenel (troisième héroïne d’une nouvelle page ouverte avec Cécile de France puis Marion Cotillard) est Jenny, médecin perfectionniste, droite, concentrée, dévouée à sa tâche, une tâche proche du sacerdoce. Elle ne se remet pas de la seule erreur qu’elle a commise, et taraudée par la culpabilité, se lance dans une enquête obsessionnelle. La Fille inconnue trace autant de portraits miniatures que Jenny ausculte de patients. Elle écoute les corps quand les voix ne parlent plus. De là naît la vérité, si chère aux cinéastes.
On reprocha à Jean-Pierre et Luc Dardenne un certain systématisme, une œuvre routinière – finalement, des éléments qui, pour d’autres, caractérisent un travail d’auteur. Pourtant, par touches légères, les cinéastes délaissent ce qui les a un temps définis, comme les personnages filmés de dos, la caméra sur la nuque. Jenny est ici filmée de profil, regardant hors champ, « obsédée par le dévoilement d’un mystère que le cadre ne révèle pas » (Yann Tobin, Positif n°668, octobre 2016).
Social, humain, La Fille inconnue est éminemment politique. Comme définitivement toute l’œuvre des cinéastes. « Tout le talent des Dardenne est là, dans cette façon de parler politique à partir de situations particulières et sans jamais formuler explicitement le grand sujet filigrané dans leur récit. Ainsi, si notre Docteur Justice a fermé sa porte au lieu de l’ouvrir, cette question n’est-elle pas celle qui occupe l’Europe et le monde tous les jours à propos des "migrants" ? Une affaire de frontière, de seuil, de dedans-dehors, de souci de l’autre ou d’indifférence. » (Serge Kaganski, Les Inrockuptibles, 12 octobre 2016)
La Fille inconnue
Belgique, France, 2016, 1h46, couleurs, format 1.85
Réalisation & scénario : Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne
Photo : Alain Marcoen
Montage : Marie-Hélène Dozo
Décors : Igor Gabriel
Costumes : Maïra Ramedhan-Levi
Production : Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne, Denis Freyd, Les Films du Fleuve, Archipel 35, Savage Film, France 2 Cinéma, VOO / Be TV, RTBF
Interprètes : Adèle Haenel (Jenny Davin), Olivier Bonnaud (Julien), Jérémie Renier (le père de Bryan), Louka Minnella (Bryan), Christelle Cornil (la mère de Bryan), Nadège Ouedraogo (la caissière du cybercafé), Olivier Gourmet (le fils Lambert), Pierre Sumkay (le père Lambert), Yves Larec (le docteur Habran), Ben Hamidou (l'inspecteur Ben Mahmoud), Laurent Caron (l'inspecteur Bercaro), Fabrizio Rongione (le docteur Riga), Jean-Michel Balthazar (le patient diabétique), Thomas Doret (Lucas), Marc Zinga (le proxénète), Morgan Marinne (le grutier du chantier)
Présentation au Festival de Cannes : 18 mai 2016
Sortie en Belgique : 5 octobre 2016
Sortie en France :12 octobre 2016
Distribution : Diaphana
Ce site nécessite l'utilisation d'un navigateur internet plus récent. Merci de mettre à jour votre navigateur Internet Explorer vers une version plus récente ou de télécharger Mozilla Firefox. :
http://www.mozilla.org/fr/firefox