« En commençant l’écriture, nous n’imaginions pas que nous étions en train de donner naissance à un personnage si fermé, capable de nous échapper à ce point, de nous laisser sans possibilité de construction dramatique pour le rattraper, le faire sortir de sa folie meurtrière. […] Pouvait-il en être autrement si le fanatisé est si jeune, presque un enfant, et si, de plus, son maître séducteur l’encourage à vénérer un cousin martyr, un mort ?» (Jean-Pierre et Luc Dardenne)
Quand le spectateur rencontre le jeune Ahmed, celui-ci est déjà à un stade avancé de sa radicalisation. Maîtres de l’ellipse, les cinéastes ne disent que peu de choses du parcours de l’adolescent, presque encore un enfant, tant son visage et ses doigts ronds évoquent une douceur juvénile. Pourtant Ahmed est énigmatique, peu aimable, dur, sourd aux appels de la vie. La présence dense et fermée du tout jeune comédien Idir Ben Addi envahit tout le film. Les Dardenne renouent avec les jeunes héros de Rosetta et de La Promesse, révélant un acteur débutant au talent brut.
La question n’est pas alors de savoir comment Ahmed en est arrivé là, mais comment le faire sortir de son enfermement. En rupture avec tout et tous, il démontre l’impuissance des structures qui l’entourent, qu’elles soient familiale, scolaire ou sociale.
La précision méticuleuse des gestes religieux d’Ahmed fournit aux réalisateurs un matériel précieux, particulièrement réaliste, pour donner corps à son obsession meurtrière. Et en signant un film fort sur un sujet actuel, ils déclenchent chez le spectateur des émotions puissantes, entre colère, horreur et rejet.
« Le dernier long métrage de Jean-Pierre et Luc Dardenne est impitoyable : la projection hors de soi grâce à l’intelligence ou l’amour sont des échecs cuisants. Il faudra qu’Ahmed soit à son tour blessé dans sa chair pour qu’il se mette à la place d’autrui. C’est cela aussi la fatalité du cinéma sensorimoteur : on ne sait jamais ce que l’on cherche avant de le trouver. Alors, les personnages des réalisateurs d’outre-Quiévrain courent à en perdre haleine, quitte à ce que recouvrer la raison ne les blesse à mort. » (Nicolas Bauche, Positif n°700, juin 2019)
Le Jeune Ahmed
Belgique, France, 2019, 1h24, couleurs, format 1.85
Réalisation & scénario : Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne
Photo : Benoît Dervaux
Musique : Intergalactic Lovers, Franz Schubert
Montage : Marie-Hélène Dozo, Tristan Meunier
Décors : Igor Gabriel
Costumes : Maïra Ramedhan-Levi
Production : Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne, Denis Freyd, Les Films du Fleuve, Archipel 35, France 2 Cinéma, Proximus, RTBF
Interprètes : Idir Ben Addi (Ahmed), Olivier Bonnaud (l'éducateur de référence), Myriem Akheddiou (Inès), Victoria Bluck (Louise), Claire Bodson (la mère), Othmane Moumen (l'imam Youssouf)
Présentation au Festival de Cannes : 20 mai 2019
Sortie en Belgique : 22 mai 2019
Sortie en France : 22 mai 2019
Distribution : Diaphana
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