Grangier, Gabin et Audiard. Un an après Gasoil, le trio se réunit de nouveau, cette fois-ci autour de l’adaptation du Fils Cardinaud de Georges Simenon. L’intrigue est linéaire : l’enquête d’un homme qui cherche à comprendre pourquoi sa femme a quitté le domicile, provoquant, à La Rochelle, le "scandale Cardinaud". Issu d’un milieu modeste, François Cardinaud a gravi tous les échelons et est devenu un entrepreneur à la réussite florissante. Alors quand le vent tourne, toute la ville lui montre une certaine hostilité. Grangier – qui tourne en extérieurs à La Rochelle alors que beaucoup filment encore en studio – fait la description précise d’un milieu, observe la bourgeoisie de province à la loupe. L’atmosphère amère du Sang à la tête naît de ce réalisme quotidien filmé sur les pavés luisants du port. Mais si le film est amer, Grangier nourrit, comme le souligne Bertrand Tavernier, un « rapport d’amitié avec ses personnages, les filme avec chaleur. »
Le Sang à la tête, et plus généralement le cinéma de Gilles Grangier, divise la critique. Le film est une véritable réussite pour beaucoup. Pour François Truffaut, qui avait déjà Grangier dans son viseur, le travail de Michel Audiard est du « sous-Jeanson, du Jeanson des mauvais jours ou de sous-préfecture » (Arts, 29 août 1956). Alors que pour Jean Serge, « depuis Jacques Prévert, jamais cinéma n’avait trouvé un auteur aussi parfaitement apte à créer une atmosphère »(Paris-Presse, 11 aout 1956). Deux écoles définitivement irréconciliables.
Des décennies plus tard, le temps a fait son œuvre. Pour Bertrand Tavernier : « Le Sang à la tête, c’est d’abord une extraordinaire adaptation de Simenon. Rarement on aura su peindre comme dans ce film la fêlure dans un univers rangé, la découverte de la difficulté du bonheur au milieu des conventions hypocrites. La description de l’univers provincial est féroce, sans paternaliste, juste : autant dans les décors que dans le comportement des gens et les dialogues. C’est à Michel Audiard que l’on doit ces répliques extrêmement réjouissantes, parfois aussi belle que du Prévert. […] Quant à Gabin, il est génial ! » (Télérama, 3 juillet 1991)
Le Sang à la tête
France, 1956, 1h23, noir et blanc, format 1.37
Réalisation Gilles Grangier
Scénario Michel Audiard, Gilles Grangier, d’après le roman Le Fils Cardinaud de Georges Simenon
Dialogues Michel Audiard
Photo André Thomas
Musique Henri Verdun
Montage Paul Cayatte
Décors Robert Bouladoux
Production Les Films Fernand Rivers
Interprètes Jean Gabin (François Cardinaud), Paul Frankeur (Drouin), Renée Faure (Mademoiselle), Monique Mélinand (Marthe), José Quaglio (Mimile), Claude Sylvain (Raymonde), Georgette Anys (Titine)
Sortie en France : 10 août 1956
Restauration 4K menée par Pathé à Neyrac Films.
Distribution : Pathé Distribution
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