Si jusque-là la rédemption était possible dans l’œuvre de Jean-Pierre et Luc Dardenne, avec Le Silence de Lorna la réponse n’est plus si évidente. « Quelles que soient les frontières que l’on traverse, il y a toujours la frontière morale, qui est la principale. Le film se joue avant tout sur cette frontière-là. Quand on quitte son pays, c’est qu’on y est contraint, par la pauvreté entre autres. Lorna a un comportement qui n’est pas humain, elle est amorale à un moment, elle est indifférente à la souffrance d’un homme. Ce n’est pas parce que c’est une immigrée qu’on doit comprendre ça. Justement. » (Luc Dardenne, Les Inrockuptibles, 26 août 2008).
Dans ce plan parfaitement réglé, chaque protagoniste joue le rôle qu’on lui a confié, se marie, obtient la nationalité, permet à quelqu’un d’autre de la gagner, monnaye ses services… Seul Claudy manque à ses devoirs : lui, le junkie perdu, décide de s’en sortir. Ce n’était pas prévu. Il encombre.
Les cinéastes filment simplement cette histoire complexe, cet enchevêtrement de destins interdépendants. Ils délaissent leur caméra 16mm pour une caméra 35, toujours à l’épaule, mais stabilisée. Plus lourde, moins nerveuse, elle offre des plans désormais élargis, comme si elle observait à distance. Le récit joue sur l’ellipse, et dans ce cinéma d’orfèvres, il suffit d’un regard, une intonation, un geste pour que le doute s’installe.
Comment, dans un monde corrompu par l’argent, préserver son humanité, reniée chaque jour davantage ? Lorna (révélation de l’impressionnante comédienne kosovare Arta Dobroshi) lutte avec elle-même. Et même si l’âpreté sourd à chaque plan, naît une lumière. « La question est encore et toujours la même : celle d’un miracle laïc, de l’accomplissement d’un mystère (celui de l’incarnation) dans les conditions matérielles concrètes d’aujourd’hui. La réponse commune inventée par Jean-Pierre, Luc et Arta est la même que la réponse silencieuse et irréfutable de Lorna. Quelque chose est là, un possible, qu’il faut ne pas laisser perdre, et qui est hors de prix. » (Jean-Michel Frodon, Cahiers du cinéma n°636, juillet-août 2008)
Le Silence de Lorna
Belgique, France, Italie, Allemagne, 2008, 1h45, couleurs, format 1.85
Réalisation & scénario : Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne
Photo : Alain Marcoen
Montage : Marie-Hélène Dozo
Décors : Igor Gabriel
Costumes : Monic Parelle
Production : Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne, Denis Freyd, Delphine Tomson, Les Films du Fleuve, Archipel 35, Lucky Red, RTBF, Arte France Cinéma, Arte/WDR
Interprètes : Arta Dobroshi (Lorna), Jérémie Renier (Claudy), Fabrizio Rongione (Fabio), Alban Ukaj (Sokol), Morgan Marinne (Spirou), Anton Yakovlev (Andreï), Grigori Manoukov (Kostia), Mireille Bailly (Monique Sobel), Stéphanie Gob (l'infirmière psy), Laurent Caron (l'inspecteur), Baptiste Sornin (l'employé de la morgue), Alexandre Trocky (le médecin)
Présentation au Festival de Cannes : 19 mai 2008
Sortie en Belgique : 27 août 2008
Sortie en France : 27 août 2008
Distribution : Diaphana
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