Le Troisième Homme

Grand Prix du Festival de Cannes 1949 pour ce film noir au style hérité de l’expressionnisme allemand. Robert Krasker, récompensé par l’Oscar de la meilleure photo noir & blanc en 1951, donne au film une esthétique inoubliable. Jeu d’ombres et de lumières, profondeur des contrastes, utilisation audacieuse de la profondeur de champ et de certains cadres… Le Troisième Homme nous plonge dans une Vienne d’après-guerre bien loin des valses de Strauss : rues bordées de ruines, Danube grisâtre, population miséreuse, trafics en tout genre et patrouilles de police incessantes. 

De ce polar mythique, on se souvient aussi de l'obsédante ritournelle à la cithare composée par Anton Karas, qui connaîtra un succès planétaire. et deviendra la meilleure vente de disques pendant plusieurs mois. Pour l’anecdote, le musicien s’acheta par la suite un restaurant, qui devint l’une des tables favorites d’Orson Welles.

Le Troisième Homme est un monument, né de l'articulation de plusieurs grands talents : au scénario, Graham Greene, romancier alors très à la mode (sept de ses romans furent adaptés entre 1942 et 1949), Carol Reed à la mise en scène, mais aussi Orson Welles, qui déjà courait les cachets pour réaliser ses propres films. Ce dernier s'est beaucoup impliqué dans le tournage, et la célèbre scène de la course poursuite dans les égouts lui doit beaucoup. « Illuminé par un improbable et magique rayon de lumière, Orson Welles, dans le rôle de Harry Lime, fait l’une des apparitions les plus extraordinaires de l’histoire du cinéma, transformant son personnage de « villain » en une figure charismatique […] Le criminel Harry Lime ressemble à un autre Charles Foster Kane, trahi d’ailleurs dans les deux films par Joseph Cotten. Kane fit de Welles un auteur, Harry Lime le transforma en mythe. » (Samuel Blumenfeld, Le Monde, 5 juillet 2000).