Les 2 Alfred

Retour des frères Podalydès et première Sélection officielle pour Bruno. Cette fois-ci, tous les deux jouent pleinement les premiers rôles (souvent Bruno ne faisait que "passer" dans ses propres films), en compagnie de Sandrine Kiberlain, pour sa seconde visite dans l’univers Podalydès, après Comme un avion en 2014.

Bruno Podalydès voulait filmer un homme obligé de cacher sa paternité, imaginant des scènes comiques où le père sortirait par erreur un jouet de sa poche… Le ressort comique est immense, et il décide de placer son action au sein de l’entreprise. Les comédiens campent donc des cinquantenaires en proie à un monde du travail qui les malmène. Bruno Podalydès : « Le premier, Alexandre, qui travaillait dans une imprimerie, n’a plus de boulot : son métier n’a plus lieu d’être, il est complètement déclassé. Le deuxième, Arcimboldo multiplie les petits boulots à coups d’applis. La dernière, Séverine, seule à être encore salariée comme cadre supérieure dans une start-up, est confrontée à la montée des nouvelles techniques de management et la poussée des jeunes générations. » Aucun de ces personnages n’est finalement fait pour la vie qu’il est obligé de mener.

Le cinéaste joue avec l'univers de l’entreprise, ce monde moderne qui dépasse ses protagonistes. Langage fleuri des start-up et des entrepreneurs 3.0, bureaux avec espaces communs régressifs, objectifs toujours revus à la hausse, benchmarking à tous les étages, objets connectés… De quoi insuffler une belle part de burlesque. Des instants sensibles, poétiques et fantaisistes irriguent le film. Mais la critique est acerbe. La violence et la cruauté sont dévastatrices. Seule la solidarité et un bon « serrage de coudes » permettent de s’en sortir. Pourtant Les 2 Alfred ne verse jamais dans le pathos. Le cinéaste confie : « Même si je voulais, je n’y arriverais pas. J’admire Ken Loach ou les frères Dardenne qui nous bouleversent avec beaucoup de netteté et de pudeur. » En creux, le message est tout de même politique.