Les Merveilles

Grand Prix à Cannes en 2014, Les Merveilles dresse un état des lieux critique de l’Italie berlusconienne, où l’utopie communautaire d’une famille – principalement du père – sera meurtrie par un monde uniformisé et individualiste. Les filles de Wolfgang, le patriarche, aspirent à une autre vie et ont soif du monde "moderne". Aussi, lorsqu’un jeu télévisé, où l’on concourt pour la place du meilleur artisan local, arrive au village, la vie de la famille est bouleversée. Gelsomina, la fille aînée, une adolescente douce qui aide son père apiculteur, inscrit celui-ci en cachette au fameux concours. Wolfgang accepte, poussé par sa fille et menacé d’expropriation, mettant ainsi de côté ses rêves anarchistes et écologiques. L’adaptation ou le renoncement.

La caméra d’Alice Rohrwacher, qui rappelle les films familiaux en super-8, filme le basculement de l’enfance vers l’adolescence. Monica Bellucci, animatrice du "Village des merveilles", apparaît comme une déesse, une fée. Dans cet univers vaguement magique, on parle plusieurs langues - italien, français, allemand -, qui contribuent à la dimension onirique de cette fable étrange et poétique, dont la puissance est saisissante.

« Rohrwacher se montre orfèvre dans le maniement de sa troupe, les effets d’intimité étant si forts qu’on a parfois le sentiment de visiter le rêve éveillé de la réalisatrice, d’être dans les coulisses mentales de son tournage. Impression encore accusée par le jeu étrange de superpositions de registres, entre épopée familiale, film expérimental, documentaire et autofiction. Rien de factice ou d’apparent dans cet enchâssement, Les Merveilles passant du réalisme cru au pur onirisme sans rugosité ni couture, mais singulier jusqu’au bout. » (Olivier Séguret, Libération, 19 mai 2014).