Les Petites Perles au fond de l’eau

Des anciens étudiants de la FAMU, la prestigieuse école de cinéma de Prague, se réunissent pour adapter des récits, publiés à Prague sous le manteau, de Bohumil Hrabal, dont l’humour et la liberté – il a eu mille vies ! – les fascinent. Certains d’entre eux ont déjà tourné un long métrage, mais ce film à sketches devient le manifeste d’une Nouvelle Vague tchèque bien décidée à filmer la vie comme elle est, et non comme la propagande socialiste le recommande.

De fait, ces cinq récits bouillonnants forment un éloge permanent de l’anticonformisme, malgré la grisaille ambiante, voire la mort qui rôde. La jeune mariée de l’épisode n°4, signé Věra Chytilova, veut un homme dans son lit le soir de ses noces, et tant pis si ce n’est pas son époux mais un jeune artiste qui expose ses gravures abstraites à côté des portraits géants de Lénine et Marx. Deux vieillards prouvent que le monde est une vaste imposture – c’est l’épisode n°2, peut-être le plus politique, signé Jan Němec. La liberté de la communauté gitane, où l’on dort à la belle étoile, est enviée par le futur ouvrier au destin étriqué – épisode final, signé Jaromil Jireš.

Caméra portée, tournage en extérieurs, excentricité assumée par un festival de visages choisis dans la rue (les clients du self-service, mais aussi les artistes Václav Zák et Vladimír Boudník dans leur propre rôle), ce film en liberté offre une vision singulièrement diverse de la société tchécoslovaque, à laquelle le pouvoir ne trouva curieusement rien à redire. « La censure économique est pire que la censure idéologique, expliquait Jiří Menzel à Télérama en novembre 2014. Vera Chytilova avait une formule impeccable pour dire cela : "On peut toujours rouler le bolchévique, jamais le banquier..." » À noter que Juraj Herz avait tourné un sixième sketch, exclu du montage final pour des questions de durée.