Neige

Neige est le premier long métrage de Juliet Berto (suivront Cap Canaille en 1983 et Havre en 1986). Avant de devenir cinéaste, elle fut l’un des visages de la Nouvelle Vague, jouant notamment dans les films de Jacques Rivette et Jean-Luc Godard. Jean-Henri Roger, coréalisateur de Neige et compagnon de Juliet Berto, participera, à partir de 1968, au Groupe Dziga Vertov, avec Godard et Jean-Pierre Gorin.

Interdit aux moins de 18 ans, Neige est accusé d’inciter les adolescents à se droguer. La réalisatrice répondra à cette critique : « En dehors du fait que le film ne flatte pas la brigade des stupéfiants, on peut se demander si la drogue n’est pas un prétexte et si ce n’est pas le visage dérangeant d’une certaine France, montrée dans Neige, qui a motivé la décision des censeurs. » (Juliet Berto, Le Monde, 22 mai 1981).

Le titre du film fait en effet référence à l’héroïne, qui cause des ravages dans les quartiers entre Pigalle, Barbès et la Goutte d’Or, que Berto et Roger filment avec beaucoup d’humanité. Neige fait le portrait d’une population parallèle, dealers, prostituées, travestis, macs, drogués, clients, petites frappes et autres marginaux qui habitent ce Paris nocturne et font l’objet des contrôles incessants de la police. Portée par d’excellents acteurs, cette œuvre est, malgré quelques imperfections techniques, vive et intense.

« On est un peu chez Vecchiali, un peu dans Nestor Burma, avec ce portrait d’un quartier de Paris, de ses figures solidaires ou solitaires, ses sources de chaleur et de désespoir. La première partie du film, en particulier, est vraiment remarquable, cheminant d’un lieu à l’autre, d’un personnage à l’autre, toujours en mouvement, l’image saturée d’éclairages disparates au néon […] et la bande-son saturée de sonorités saisies au vol, qui font un collage éblouissant. Devant l’extraordinaire séquence de poursuite du jeune dealer, on se dit que Paris n’a que très rarement été filmé de cette façon. » (Florence Maillard, Cahiers du cinéma n°684, décembre 2012).