En 1948, Roberto Rossellini interrogeait Ida Lupino : « Quand vous déciderez-vous à faire des films sur des gens ordinaires pris dans des situations ordinaires ? » L’actrice fondait alors la société de production Emerald (qui deviendra The Filmmakers) avant de passer derrière la caméra avec Not Wanted en 1949 et Never Fear quelques mois plus tard. Un seul but pour la cinéaste : « faire des films sur de pauvres êtres désemparés, car c’est ce que nous sommes. »
En 1950, l’Amérique est puritaine, Hollywood se débat avec le code Hays. Et Ida Lupino réalise Outrage, un film indépendant sur le viol d’une jeune femme, traité avec sincérité et sans aucune complaisance par la cinéaste, également coscénariste.
Avant d’être violée, Ann vivait légèrement, dans un monde asexué. L’agression l’a fait plonger dans l’âge adulte, avec une infinie violence. Son existence bascule. Elle ne supporte plus ni la curiosité de ses proches, ni l’insistance de la police, encore moins la convoitise des hommes. Elle fuit vers une campagne qu’elle espère plus accueillante. Aidée par un pasteur, loin de ceux qui la connaissent, elle devrait pouvoir reprendre une vie normale. Mais est-ce seulement possible ?
Dans l’Amérique rigide du début des années 50, Ida Lupino s’attaque à un tabou. Cette plongée dans le quotidien d’après-viol ne comporte ni pathos ni discours moralisateur, et traite de façon presque clinique le traumatisme de cette jeune femme à la vie réduite en miettes. Ida Lupino pensait qu’il était temps de traiter ce sujet. On ne peut que souligner la force de caractère et la modernité de la cinéaste.
Mise en scène sobre pour une étude comportementale exigeante, Ida Lupino est fidèle au style Filmmakers. Elle met sa sensibilité au service de son histoire. Et Mala Powers livre une interprétation juste et sobre, dépourvue de tout artifice, qui donne corps au personnage d’Ann, brisée par son agression.
« Les héroïnes de Lupino sont toujours d’une grande dignité, à l’image de ses films. C’est une œuvre marquée par l’esprit de résistance, avec un sens extraordinaire de l’empathie pour les êtres fragiles ou les cœurs brisés. C’est également ce qui la rend essentielle. » (Martin Scorsese, Cahiers du cinéma, n°500, mars 1996)
Outrage
États-Unis, 1950, 1h15, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Ida Lupino
Scénario : Collier Young, Ida Lupino, Malvin Wald
Photo : Archie Stout
Musique : Paul Sawtell
Montage : Harvey Manger
Décors : Harry Horner
Production : Collier Young, The Filmmakers
Interprètes : Mala Powers (Ann Walton), Tod Andrews (Bruce Ferguson), Robert Clarke (Jim Owens), Raymond Bond (Eric Walton), Lillian Hamilton (Mrs. Walton), Rita Lupino (Stella Carter), Hal March (le sergent Hendrix), Kenneth Patterson (Tom Harrison), Jerry Paris (Frank Marini), Angela Clarke (Madge Harrison), Roy Engel (le shérif Charlie Hanlon), Lovyss Bradley (Mrs. Miller), William Challee (Lee Wilkins), Tristram Coffin (le juge McKenzie), Jerry Hausner (Mr. Denker), Bernie Marcus (le docteur Hoffman), Albert Mellen (le violeur), John Morgan (le procureur Porter), Victor Perrin (Andrew), Beatrice Warde (Marge), Ida Lupino (une danseuse de country, non créditée)
Sortie aux États-Unis : automne 1950
Restauration 4K réalisée en 2020 par Lobster films, à partir d'un marron issu des collections du British Film Institute. Son restauré par L.E. Diapason.
Distribution : Théâtre du Temple
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