Un premier film, sans être autobiographique, est toujours marqué d’un sceau personnel : la première œuvre doit certes à l’imaginaire mais aussi au cœur, même si l’expression n’en est pas forcément explicite. Suzanne Lindon n’a pas eu besoin d’aller chercher très loin dans son passé pour écrire Seize printemps, et, malgré ses 20 ans, elle n’a pas eu à composer beaucoup pour interpréter l’héroïne de son film. Mais qu’elle ait vécu ou non l’aventure qu’elle nous conte n’a guère d’importance. L’essentiel est qu’elle nous paraisse crédible, et elle l’est, superbement.
Ce n’est pourtant rien ou presque : un scénario qui tient en trois lignes, à peine. Une trajectoire quasi immobile entre un appartement familial et des parents complices, le chemin qui mène au lycée, la place Charles Dullin avec son Théâtre de l’Atelier et la terrasse du café voisin. Plus quelques rues désertes, propices à une brève chorégraphie (sur une chanson de Christophe) pour exprimer le plaisir d’aimer. À partir de ces quelques éléments, Suzanne Lindon parvient à toucher juste et à nous tenir suspendus à des états d’âme qui n’ont pourtant rien d’étourdissant : une rencontre, quelques conversations, un sentiment qui s’éveille et s’épanouit, il nous semble avoir déjà vu ça plusieurs fois depuis 1895.
Si le film est empreint d’un tel charme, c’est d’abord grâce à son interprète, jeune fille fragile et obstinée, tout droit sortie d’une nouvelle de Larbaud, d’un roman de Giraudoux ou de Vian (qu’elle lit le soir) et dont la cinégénie, cette qualité indéfinissable, illumine toutes les situations qu’elle traverse. La description de la relation amoureuse échappe aux clichés modernes tout en atteignant une belle intensité – le débordement physique se limite à un baiser dans le cou, suffisant pour exprimer le plus grand trouble…
Dans cette captation subtile d’un moment ténu, entre adolescence et jeunesse, s’expriment un ton, un souffle, une émotion ; Seize printemps est une bulle que des regards trop perçants risquent de faire éclater, mais une bulle prometteuse : à 20 ans, Suzanne Lindon a le temps de son côté.
Seize printemps
France, 2020, 1h14, couleurs, format 2.35
Réalisation & scénario : Suzanne Lindon
Photo : Jérémie Attard
Musique : Vincent Delerm
Montage : Pascale Chavance
Décors : Caroline Long Nguyên
Costumes : Julia Dunoyer
Production : Caroline Bonmarchand, Avenue B Productions
Interprètes : Suzanne Lindon (Suzanne), Arnaud Valois (Raphaël), Frédéric Pierrot (le père de Suzanne), Dominique Besnehard (Gérard), Rebecca Marder (Marie), Philippe Uchan (Re), Florence Viala (la mère de Suzanne), Françoise Widhoff (Christine)
Sélection officielle Cannes 2020
Présentation eu Festival du Film francophone d’Angoulême : 1er septembre 2020
Sortie en France : 9 décembre 2020
Distribution : Paname Distribution
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